Au moyen âge à la fin du seizième siècle, dans les pièces où les habitants vivent avec leurs animaux familiers, les sols doivent pouvoir être lavés à grande eau. Aussi les grandes salles voûtées des châteaux (salle des gardes, salles des festins ou « grand tinel »), sont-elles généralement dallées de pierre.ALes planchers de bois sont réservés aux estrades ou marchepieds, placés sous les chaises d’honneur, marque de rang social, sous les lits, voire sous les sièges et les tables des festins hivernaux. Ils sont souvent recouverts d’un tapis velu.
Puis, petit à petit, le sol des étages supérieurs des maisons, en carreaux de terre cuite, se transforme en plancher.
Composés de planches juxtaposées à joints vifs ou à feuillures. Refendus à la largeur de 5 ou 7 pouces (1) les planchers sont fixés sur les solives par des clous forgés apparents. Ceci jusqu’au milieu du dix-septième siècle.
Parallèlement, est arrivé le plancher assemblé par rainure et languette avec des lames de 3 à 4 pouces. Il est posé « à l’anglaise », c’est à dire que les lames sont de toutes longueurs, les clous deviennent invisibles.
A partir du début du dix-septième siècle, on commence à trouver des lames de plancher disposées selon différents motifs:
– Le plancher en plusieurs travées, formées de planchers de 5 à 6 pieds de long au bout desquelles on met une frise en sens contraire (gravure « les vierges folles de le Blond à Paris, 1640, British Museum), – Le plancher à point de Hongrie, fait d’alaises de 3 à 4 pieds de long et de 3 à 7 pouces de large, sa coupe en bout est faite en onglet (45°). La largeur de chaque travée est de 25 à 34 pouces, elle sont d’un nombre impair de façon à ce qu’il se trouve un joint au milieu de la pièce.
Dans les appartements pour des raisons thermiques et acoustiques, on préfère de plus en plus les planchers de bois auxquels on donne le nom de parquets lorsque plusieurs planches sont assemblées entre elles pour former une « feuille ». (le mot parquet venant de parc, enclos entourant l’estrade, d’où se rend la justice).
Les planchers d’assemblage ou parquets sont généralement constitués par des feuilles de parquet composées de lattes de bois de chêne, assemblées, cirées, qui ont depuis deux pieds (2) jusqu’à quatre pieds de côté mais celle de trois pieds à trois pieds un quart sont les plus usitées, et dont les compartiments sont disposés, soit à l’équerre par rapport au bâti (dit aujourd’hui parquet de Chantilly), soit en diagonale (dit aujourd’hui parquet de Versailles).
Leur épaisseur varie de trois quarts de pouce à un pouce et demi et va jusqu’à deux pouces pour les rez-de-chaussée très humides.
Elles sont fixées sur des lambourdes posées en diagonale. Ces lambourdes sont au nombre de 5 pour les grandes feuilles et de 3 pour les petites.
Elle supportent toujours les pointes des feuilles. Elles sont elles-mêmes clouées sur les solives, parfois un sous-plancher supplémentaire s’intercale pour plus de résistance.
Chaque feuille peut être séparée de sa voisine par une frise d’encadrement (de 3 à 4 pouces de large) ou simplement juxtaposée.
Quant à la disposition générale du parquet, elle se fait des deux manières suivantes: l’une est de mettre les côtés des feuilles parallèles à ceux de la pièce, l’autre est de mettre la diagonale parallèle à ces derniers.
L’ensemble pouvant comporter, ou non, suivant le cas une frise sur le pourtour de la pièce, tout au long des murs.
Par contre, la « pierre foyère » ou devant de cheminée, est toujours entourée d’une frise. Pour les pièces de parade, ou de grande qualité, les feuilles seront d’une grandeur relative à celle de la pièce, faisant que l’on trouve un nombre complet de feuilles dans chaque pièce, de sorte qu’il n’y ait que des feuilles ou des demi feuilles, « ce qui donne beaucoup de magnificence et de grandeur à l’appartement ».
Ces parquets peuvent aussi comporter une marqueterie massive (appelés alors parquet de marqueterie ou parquet en mosaïque) composé de motifs en étoile, par exemple, comme au château de Maisons. Dans ce même château il subsiste un parquet de marqueterie de bois de rapport, dans le cabinet des Miroirs.
Un autre parquet de bois précieux existait encore il y a peu au château de Fléchères (Ain).
Sur une gravure d’Abraham Bosse représentant la chambre du Roi à Fontainebleau en 1645, on voit un parquet à compartiments carrés décorés de l’initiale royale couronnée, alternant avec de grandes fleurs de lys de bois de rapport.
Nicodème Tessin écrit en 1693 : » A Trianon … les parquets touchent aux lambris. Il n’y a qu’une seule pièce à Versailles dont le parquet soit par carrés… tout le reste est en losange à la nouvelle manière ».
Réservés aux petites surfaces des cabinets et des estrades, les parquets en mosaïque sont aussi employés dans les alcôves, nous apprend le Mercure Galant de 1673: » Les gens de qualité ne veulent plus de tapis de pied dans leurs alcôves, à cause de la poudre (poussière) qu’ils conservent, c’est pourquoi, il les font parqueter de bois de diverses couleurs ».
Rien ne subsiste de ces somptueuses mosaïques de bois précieux incrustés, oeuvre de Jean Macé (mort en 1672), qui ornèrent les estrades et certains planchers des cabinets du Louvre (cabinet de la reine mère vers 1665), des Tuileries, de Saint-Germain, de Fontainebleau et de Versailles. Le parquet du cabinet des Médailles est fait par Pierre Poitou aux Gobelins en 1685, ceux des cabinets du Dauphin sont l’oeuvre d’André-Charles Boulle en 1683.
Un portrait du Grand Condé (vers 1660) à Chantilly (Collection Jones, Victoria et Albert Museum – Londres) et quelques rares dessins nous en révèlent l’aspect chatoyant, comme celui de la Petite Galerie de Versailles (1686) oeuvre d’Alexandre Jean Oppenhordt (B.N. Estampes).
Cependant un exemple plus simple est encore conservé dans le cabinet doré de l’hôtel de Brancas à Paris. Un fragment d’une estrade royale en marqueterie d’écaille et de cuivre a peut-être été remployé par Etienne Levasseur (1721-1800) dans un secrétaire appartenant à la reine d’Angleterre.
Au dix-huitième siècle, comme au siècle précédent les planchers des appartements sont constitués par des panneaux de parquets d’assemblage carrés de bois de chêne ciré, dont les compartiments sont posés soit à l’équerre, soit en diagonale, avec ou sans frise.
Des dessins géométriques peuvent en varier l’aspect, tel le parquet de l’hémicycle de la Salle du Conseil à Fontainebleau, orné d’une étoile par Gabriel. En général, les parquets cirés et miroitants restent nus, sans tapis. Ils sont entretenus par les indispensables frotteurs.
A l’hôtel Choiseul à Paris, il existait des parquets de mosaïque de bois de rapport, ainsi qu’on peut le voir sur les gouaches d’Henri Van Blarenberghe (1734-1812) ornant la « boîte Choiseul ». D’autre part, il semble qu’à l’hôtel de Soubise, les salons ovales aient eu des « parquets de bois variés avec des ornements et des compartiments très ingénieux ». On sait que des ateliers dans la mouvance de l’ébéniste Hache fils à Grenoble, produisaient encore des feuilles de parquets composés de différents bois vers la fin du dix-huitième siècle.
Dans les étages réservés au service, le sol des chambres et des couloirs est garni de carreaux de terre cuite (tommettes) à six pans de quatre pouces (10.8 cm) que l’on cire.
(1) 1 pouce français = 27,0696 mm
Comme dans le « cabinet de deuil » au château de Châteaudun, qui a aussi conservé des boiseries très simples dans l’ancien charretier. L’usage en continuera au seizième siècle, comme on peut le voir au château de Blois, dans le cabinet de la Reine Catherine de Médicis (1519-1589), et au château de Beauregard, dans le Loir-et-Cher, au cabinet des grelots, qui sont entièrement boisés, ou celui du château de Pibriac (Haute-Garonne).
Les boiseries, dites « chambrillage » ont pour but d’assurer une isolation thermique au bas des murs de pierre au-dessous des tapisseries mobiles murales. Celles qui datent du quinzième siècle ont aujourd’hui presque disparu, sauf quelques vestiges tels les boiseries provenant d’une maison de la région du Mans (Sarthe) et qui sont au Musée de Philadelphie.
Faits de planches étroites de un pied (2) débitées à la scie à eau, inventée en 1322 à Augsbourg. Assemblés à tenons-mortaises et chevillés, ces panneaux peuvent être ornés de sculptures en bas-relief de motifs de « remplages » ou de « plis de serviettes ».
Les peintures de l’époque telle l’Annonciation par Gérard DAVID (1460-1523), nous représentent souvent des boiseries avec des sièges incorporés, tels des stalles comme celles provenant du château de Villeneuve-Lembron, aujourd’hui conservés au Musée des Arts Décoratifs.
Concurremment au décor mobile des tapisseries, on trouve des murs entièrement revêtus de boiserie, mais ce décor immuable est « plus coûteux ». Inspirés peut-être par les dosserets des stalles et les boiseries des chapelles.
A partir du seizième siècle, les vantaux des portes s’encadrent dans les boiserie dites « à la française », c’est à dire « à hauteur de bras levé » (sept à huit pieds environ) pour pouvoir s’insérer dans une boiserie continue constituée de petits panneaux étroits sculptés ou peints. Le décor de serviettes de la période précédente est remplacé par des motifs verticaux.
Les boiserie aux panneaux simplement étagés sont proportionnelles à la largeur des planches débitées par les scieurs de long. Ceux des boiseries basses de la chambre de parade d’Henri II au Louvre (1559), sont de forme carrée, ornés de trophées d’armes antiques, sculptés et dorés.
Si les exemples de boiseries antérieures à Mazarin ne nous sont parvenus que dépecées et arbitrairement disposées (boiserie de l’hôtel de Bullion 1634 à Paris; boiserie de la chambre et du cabinet de la Maréchale de La Meilleraye, à l’Arsenal 1637), on en trouve encore, soigneusement remontées comme celles du château de Chenailles (Loiret), décoré entre 1610 et 1620, et qui sont au musée de Cleveland (Etat-Unis), ou encore in situ dans le château de Cormatin (Saône et Loire), au cabinet des Vertus au château d’Oiron, au cabinet des Muses (vers 1635); au château d’Ancy-le-Franc (cabinet du Pastor Fido).
Les boiserie « à hauteur de bras levé », dont le sommet des panneaux continue la ligne des portes, sont rehaussées de dorures et divisées verticalement en trois parties: boiserie basse, boiserie d’étage et attique. Du parquet au plafond, on trouve: une plinthe peinte en faux marbre, pour effectuer la transition entre le parquet de chêne naturel et la boiserie et aussi pour dissimuler les marques des coups de balai; un soubassement décoré en peinture de bas-reliefs peints en grisaille, dénommé « basse taille » ou des natures mortes de fleurs et de fruits, en trompe l’oeil, sommé d’une cimaise légèrement saillante. Ce sont les boiseries d’appui qui règnent avec les allèges des fenêtres.
Au-dessus on trouve les boiseries d’étage, ou boiseries à demi-revêtement, composées de panneaux verticaux décorés de paysages, de vases de fleurs ou de grotesques, ornés de guirlandes, supportant un entablement saillant (astragale) sur lequel on peut poser des vases de faïence (Chenailles) à moins que ceux-ci ne soient peints en trompe l’oeil, comme dans un cabinet du château de Saint-Marcel de Féline (Loire) 1661; enfin entre l’entablement et la corniche, l’attique, orné de peintures sur toile souvent séparées par des montants peints et sculptés. Les peintures narratives ont pour sujet la mythologie (château de Cormatin, Hôtel Lambert, dans les cabinets de l’Amour, des Muses et des Bains (1643-1644), Arsenal dans le cabinet des Femmes Fortes), ainsi que l’histoire et les cycles romanesques à la mode: le Roland furieux, la Jérusalem délivrée, le Pastor Fido, l’Aminte.
Les dévots refusent toutefois d’avoir chez eux des peintures à sujets mythologiques, qu’ils jugent païennes, et ils commandent des tableaux illustrant des scènes de l’Ancien Testament, celles du nouveau étant réservées aux églises et aux couvents.
Dans les grandes pièces, outre les boiseries d’appui surmontées de tapisseries, on trouve des parois entièrement boisées; à Fontainebleau à l’exemple de la galerie et de la Salle de Bal, le grand cabinet d’Henri IV à un haut soubassement de boiseries moulurées distribuées avec symétrie, mais avec plus de liberté vis-à-vis de l’Antiquité et des Ordres. Ces boiseries sont surmontées de grandes peintures sur toile narrant l’histoire de Théagène et Chariclée, par Amboise Dubois.
Certaines boiseries de Fontainebleau sont peintes en ocre rouge foncé ou en blanc et la décoration de paysages et de scènes antiques qui les ornent est associée à « des vases, des chiffres, ou des ornements légers » ainsi que le souligne Jean-Pierre Samoyault.
D’autres grandes pièces sont bientôt décorées d’un quadrillage de boiseries sur toute la hauteur des parois; au-dessus de la boiserie d’appui qui joue le rôle du stylobate, des panneaux étroits tiennent lieu de pilastres et séparent des panneaux réguliers à grands cadres, au tracé rectiligne montant jusqu’à la frise sous la corniche, comme à Sully-Sur-Loire et à Villebon (Essonne) (1620) où ils sont peints en faux bois ainsi que les « portes à placards » placées en enfilade le long de la façade et souvent de manière symétrique vers le fond (1650). Au château de Maisons, sur les dessus de portes du salon à l’italienne, des vases de Chine peints en trompe l’oeil succèdent à l’emploi de porcelaines véritables posées sur les chambranles saillants.
A défaut des fastueux appartements de Mazarin, disparus à l’exception de la galerie, nous pouvons nous en faire une idée en voyant les décors exécutés au milieu du siècle dans l’appartement de la reine mère à Fontainebleau et dans un certain nombre d’hôtels parisiens. A l’hôtel Lambert , dans la chambre de la Présidente, les doubles portes symétriques des deux enfilades et qui sont aussi précieusement ornées que les boiseries peintes de grotesques inspirés de Raphaël, se détachent sur un fond de dorure que l’on retrouve sur les poutres du plafond, encadrant les toiles d’Eustache Le Sueur (1615-1655).
Mais c’est à Vaux-le-Vicomte qu’on voit le plus bel ensemble des décors de « style Mazarin » ou, plutôt ne faudrait-il pas parler de « style Fouquet » ?
Cependant, on peut penser que c’est au jeune Charles Le Brun, qu’il faut attribuer l’unité du décor -inachevé- du célèbre château.
L’aménagement des bibliothèques trouve sa forme classique illustrée dans l’ouvrage consacré au cabinet de la bibliothèque de Sainte-Geneviève établie en 1675. Ses gravures montrent une galerie au sol carrelé et aux parois entièrement garnies de rayonnages intégrés aux boiseries, séparés par des pilastres. Les portes sont dissimulées par des dos de faux livres.
Jean Le Pautre, dans une gravure intitulée le Cabinet des Beaux-Arts, place les rayonnages de part et d’autre d’une table supportant une pendule et des instruments scientifiques: globes terrestres et célestes, aux supports tournés ou sculptés, qui font partie du mobilier de ces pièces.
La richesse des formes et des matières des boiseries rivalise avec celle des plafonds.
Par souci d’un confort permanent (isolation thermique, hygrométrique, et acoustique), l’habitude de revêtir les parois des appartements de boiseries se répand. En effet, le bois est un matériau sain dont la seule servitude est la largeur des assemblages.
Comme l’importation de bois tendre est interrompue en 1668 par la guerre de Hollande, l’emploi du bois de chêne de France se généralise.
Suivant le testament du Cardinal, la bibliothèque aménagée par Le Vau en 1665 au Palais Mazarin est transférée en 1672 au Collège des Quatre Nations (Aujourd’hui l’Institut de France) où ses boiseries de chêne ciré sont remontées et sont toujours en place avec leurs rayons ourlés de « bougrans ». En 1739, elle sera surélevée d’un attique avec un balcon. Elle a servi de modèle pour la Bibliothèque royale de Copenhague.
A Reims, la bibliothèque installée en 1678 sous les combles au Collège des Jésuites a des rayonnages de chêne ciré sous une voûte boisée à caissons moulurés de même bois. Tables et pupitres sont installés dans des logettes ménagées dans les ébrasements des lucarnes.
En 1691, Daviler écrit dans son cours: « Les boiseries rendent les lieux secs et chauds et, par conséquent, sains et habitables, peu de temps après qu’ils ont été bâtis; outre qu’ils épargnent les meubles dans les pièces d’une moyenne grandeur et les plus fréquentées, car si elles sont boisées, il ne faut pour les meubler que quelques miroirs et tableaux qu’on attache sur les panneaux. Les boiseries servent encore à corriger les défauts dans les pièces comme un biais ou une enclave causé par quelque tuyau de cheminée à côté duquel on pratique des armoires dont les guichets (portes) conservent la même symétrie que le reste. »
Renonçant aux fastes renouvelés des palais antiques, le roi quinquagénaire (Louis XIV) décide avec Jules Hardouin-Mansart de revêtir de boiseries toutes les pièces des appartements du nouveau Trianon, où le marbre est employé à l’extérieur. Il fait de même à Marly et dans son appartement particulier de Versailles, qui est « boisé dans son entier. »
Pierre Le Pautre, publie un recueil de « Portes à placards et lambris dessinées par le Sieur Mansart et nouvellement exécutées dans quelques maisons royales », où l’on voit des modèles pour la salle de billard de Versailles (1685) et l’antichambre de Trianon (1687). La même disposition est employée dans les pièces de la Ménagerie, boisée pour la jeune Duchesse de Bourgogne (1685-1712). Ce sont des boiseries, caractérisées par un quadrillage à compartiments, fortement moulurés formant saillie sur le nu des champs simplement étagés au-dessus de la cimaise, coupés horizontalement par une astragale correspondant à la partie supérieure du chambranle des portes.
Cependant les moulures à forte saillie vont s’atténuant et l’échelle des sculptures diminue, cédant la place à des boiseries d’un nouveau goût, qui sont à la fois un élément de fonction et de décoration.
A partir de 1699, succède donc, une nouvelle disposition des corps de boiseries où les verticales sont affirmées.
Dans les boiseries des derniers appartements du roi, tant à Trianon qu’à Versailles, à partir de 1701, les boiseries à grands cadres, à moulures saillantes et les astragales disparaissent et sont remplacées par des « boiseries de hauteur » soumises à une ordonnance architecturale de boiseries à petits cadres aux moulures moins saillantes et toujours prises dans l’épaisseur du bois: au-dessus de la boiserie d’appui sommée par la cimaise, de hauts panneaux verticaux, plus légers, séparés par des pilastres d’ordre classique – qui sont bientôt remplacés par des « trumeaux allongés »- rythment les murs, divisés en travées par des portes symétriques à deux vantaux, surmontés par des dessus de portes peints ou sculptés.
Pierre Lassurance (1655-1724) et Pierre Le Pautre en donnent des modèles où l’on voit les hauts « miroirs à la Mansart » placés au-dessus des cheminées basses y remplaçant les peintures. Celles-ci sont mises en dessus de portes et on y note des panneaux en rectangle dont un des petits côtés s’incurve à la rencontre de cercles. Les portes à placards sont composées comme les boiseries; à ceux-ci, Mansart donne plus de légèreté et d’élégance avec des panneaux de plus grande échelle et des compartiments destinés à enchâsser un assemblage de miroirs ou des peintures.
Peu après, à Trianon-sous-Bois, on voit l’apparition de hauts pilastres et les clés des arcades des chambranles et des cadres de glace y sont ornés d’une palmette. Cette manière de disposer les boiseries donne une légèreté nouvelle à la décoration et fournit un premier exemple des boiseries typiques du dix-huitième siècle.
Il est à remarquer que les boiseries basses sont surmontées par la moulure saillante de la cimaise, généralement placée à deux pieds huit pouces (1) du sol (soit 0,86 m de hauteur d’appui) destinée à arrêter le dossier des sièges, toujours alignés symétriquement contre les murs et à régner avec les dessus de marbre des tables en consoles et des commodes (celles-ci placées dans les chambres).
Dans les pièces moins richement décorées on se contente de peindre les boiseries en « marbre contrefait » ou « marbre feint », comme aux salons des châteaux de Vaux-le-Vicomte et de Balleroy et à l’hôtel de Chatillon, à Paris; de même dans les pièces de moindre conséquence, comme les antichambres ou la salle-à-manger avec des « boiseries peintes en marbre » (chez Monsieur Bégon).
L’harmonie du blanc relevé d’or semble avoir plu à Louis XIV (il s’agit toujours de dorure à l’eau et non à l’huile). A Trianon les boiseries d’apparat sont peintes à la détrempe « blanc de roi » et la sculpture est soigneusement préparée pour recevoir les feuilles d’or.
Mais les boiseries des logements des grands officiers sont laissées en bois naturel.
Et Jean-Baptiste Leroux dans ses « Nouveaux lambris de galeries, chambres et cabinets » (1700), montre une bibliothèque de chêne naturel et or.
Cette mode, en « Blanc de roi », provoque la plainte d’un esprit chagrin: « Dans les appartements de parade l’emploi de la dorure flatte les parvenus et ruine la noblesse. Par contre, dans les parties telles les passages et antichambres ce n’est pas le cas ».
Certains spécialistes comme Daviler veulent « garder au bois des lambris sa couleur naturelle ».
C’est l’avis de l’architectes Boffrand qui écrit: « On peut vernir la boiserie, en sorte qu’on y voit la couleur du bois »
La pénurie financière due à la guerre de la succession d’Espagne arrête les travaux, et, boiseries et corniches restent en blanc, car un édit de 1691 interdit la dorure. Ce qui n’empêche pas deux traitants Beauvarlais et Antoine Crozat, de l’enfreindre dans la décoration de leurs hôtels place Vendôme.
Après l’édit de 1691, on voit apparaître à nouveau des boiseries en bois naturel, simplement cirées, Ce qui correspond au souhait de Jacques François Blondel: « pour l’amour du vrai, que les boiseries de chêne fussent seulement cirées ».
Nicodème Tessin écrit en 1693: » On ne peint les chambres boisées, les portes, les volets, les châssis, les plafonds, etc… que de blanc, avec le filet d’or, ou sans or ». Lorsque les travaux reprennent en 1698, le roi donne l’ordre de ménager l’or sur les boiseries et la dorure s’y réduit aux moulures des bordures des glaces et de celles des tableaux, ainsi que sur les pieds des tables en consoles des trumeaux. A Trianon comme à Marly, ce qui différencie alors les pièces des appartements, tous peints en blanc du Roi, ce sont les emmeublements chacun d’une couleur différente.
Les portes à panneaux simplement moulurés remplacent les vantaux chargés de sculptures en bas-relief.
Chez les particuliers, si l’on réserve le blanc et or pour le cabinet « lorsqu’on est en état de soutenir la dépense », à certains moments, pour unifier les tons des différentes sortes de bois et masquer les défauts (noeuds, etc…), on vernit le reste des boiseries, « à la capucine », c’est-à-dire qu’on les peint en faux bois du ton de la bure des Capucins (Franciscains). Exemple: la pharmacie des Invalides 1707. Malgré les objections de Blondel.
« Les pièces consacrées à la lecture doivent avoir un air de simplicité pour plus de recueillement » Si le nombre des livres est très important, les bibliothèques peuvent quelquefois être installées sur deux étages, avec un balcon, comme au château de Brienne (Aube), et de la Roche-Guyon (Val d’Oise), mais ce sont généralement des pièces intimes « pour jouir de l’agrément de la lecture », lambrissées avec des armoires de boiserie aux portes grillagées protégeant les ouvrages contre le vol, dans des contours chantournés. Le corps bas correspond aux boiseries d’appui. Le long des étagères on peut mettre des « bougrans » ou canevas, accommodés à clous dorés destinés à « conserver les livres de la poudre ». Les portes peuvent être dissimulées par des rayonnages feints et des dos de livres en cuir.
Dans les cabinets entresolés, les corps de bibliothèques sont couronnés par une corniche qui touche au plafond. Dans les pièces élevées le haut des armoires de menuiserie ou d’ébénisterie est orné de bustes, de vases ou de groupes sculptés (comme au Palais Rohan à Strasbourg).
Architectes et ornementalistes en proposent de nombreux projets: Robert de Cotte pour l’hôtel de Nevers, Nicolas Pineau pour M. de Rouillé. Certains sont gravés par Pierre le Pautre, les Bonnard, etc. Une gravure de Jean Mariette représente une « boiserie de cabinet avec bibliothèque de chêne verni; les ornements en sont dorés et appliqués sur le bois ».
Si les travaux de Henri Labrouste (1801-1875) ont fait disparaître les boiseries de la bibliothèque royale installée dans l’Hôtel de Nevers à partir de 1721, on retrouve des panneaux en bois naturels remontés dans l’ancien hôtel Béhague à Paris (aujourd’hui Ambassade de Roumanie).
Pour accéder aux rayons supérieurs, les menuisiers exécutent des escaliers mobiles.
Désormais, salons de compagnie et salles d’assemblée, comme les autres pièces des appartements nouveaux, sont tous pourvus de boiseries qui assurent l’isolation thermique et acoustique et l’harmonie d’une architecture intérieure de panneaux de boiserie bien distribués selon une « symétrie raisonnable et réfléchie » (Jacques François Blondel). Dans le texte de 1738 du cours de Daviler, on lit: « La décoration intérieure des appartements a éprouvé de si grands changements qu’elle a tout fait changer de face… Les boiseries que l’on fait présentement sont si différentes de celles qui étaient en usage il y a quelques années qu’on a trouvé à propos d’en donner de nouveaux dessins ».
Oeuvres de grands spécialistes en menuiserie d’art, les boiseries de grande qualité sont toujours exécutées en bois dur, notamment en chêne, matériau réputé sain. Ils sont faits de « chêne propre et sans noeud, bien sec » (à l’air), c’est-à-dire qui n’est pas parvenu par flottage, ce qui en augmente le prix. Toutes les moulures et ornements en relief y sont sculptés en plein bois.
Dans les salles parées de boiseries, les murs sont traités comme un ordre d’architecture: cet ordre repose sur un stylobate: la boiserie d’appui mesure généralement deux pieds huit pouces, cependant, Boffrans, pour accentuer l’élévation de certaines pièces donne quelquefois aux boiseries basses moins de huit pouces, hauteur désormais traditionnelle dans les Bâtiments du roi et les hôtels parisiens.
Toujours harmonieusement distribués, les ornements sculptés des boiseries et des voussures qui les prolongent sont multipliés dans les appartements de parade, ce qui fait dire à Pierre Patte en 1775, dans son cours d’architecture: « La sculpture s’était entièrement rendue maîtresse de l’architecture ».
Le plus souvent cependant, la hauteur de la boiserie d’appui est réglée par l’élévation de la pièce » (Briseux recommande de donner à la hauteur sous plafond les trois cinquième de la largeur de la pièce). Dans les pièces très hautes mesurant plus de dix-huit pieds (5,83 m) d’élévation, la boiserie d’appui peut atteindre trois pieds (0,97 m). Cette boiserie basse, divisée en panneaux, de largeur variée, sans décor sculpté, est limitée au sol par la plinthe ou socle de boiserie reposant sur le plancher. On donne à la plinthe une hauteur de quatre pouces (10,8 cm) environ.
En haut des boiseries d’appui se trouve le ressaut de la cimaise, moulure saillante contre laquelle viennent s’appuyer les meubles; sièges meublants (canapés et fauteuils) toujours alignés contre les murs. Jacques François Blondel insiste: » On doit prendre garde que les contours inférieurs des panneaux ne tombent point assez bas pour que les dossiers des fauteuils puissent en dérober la vue. »
Pour les boiserie de hauteur, au-dessus de la boiserie d’appui, le rythme vertical est marqué par des pilastres et/ou des panneaux étroits (parcloses) entre lesquels viennent s’embrever des corps plus larges, soulignés de moulures, décorés de motifs sculptés en bas relief « le plus léger qu’il soit possible » (Jean Mariette), à moins qu’on y insère des toiles peintes, des glaces ou encore des panneaux de laque, par exemple les toiles par Christophe Huet dans la chambre du prince à Chantilly, les glaces de la galerie de l’hôtel de Villars et du salon de l’hôtel de Soyecourt par Nicolas Pineau à Paris. Les divisions géométriques des boiseries sont toujours claires: les verticales encadrent une surface, qui s’organise selon une symétrie. On ne redouble pas forcément les pilastres dans les coins.
Les portes, sont souvent équilibrées par un panneau plein et non par une porte simulée. « Il y a des architectes qui, dans la décoration des appartements, ont coutume de répéter des portes feintes en symétrie ou à l’opposition des vraies pour les grandir en apparence, d’où il résulte que dans les pièces où l’on est dans l’obligation d’avoir beaucoup de sièges, on est contraint d’en mettre devant ces portes, ce qui ne paraît pas naturel. »
Surmontées soit de toiles peintes enchâssées dans des moulures, soit de panneaux sculptés d’ornements en bas relief, les portes des pièces de réception affleurent le mur, s’ouvrent à deux vantaux vers les pièces secondaires et sont doublées par des rideaux de portière de tissu en hiver.
Des portes dérobées, à un seul vantail, peuvent être découpées dans les boiseries en tenant compte du décor.
Pour juger de l’effet du décor des boiseries prévues dans une pièce, on en trace souvent une esquisse, à grandeur d’exécution, à la pierre noire, directement sur le plâtre du mur, qui est parfois retrouvée lors de la dépose des boiseries, ou bien cette esquisse est tracée sur un papier ou un tissu afin d’être présentée sur le mur.
Dans les « petits appartements », les boiseries de hauteur sont établies en proportion de la hauteur sous plafond. Par exemple, à Versailles, dans les cabinets installés par Louis XV sous les combles, on trouve des pièces ayant huit pieds neuf pouces de hauteur (2,83 m) où les boiseries mesurent huit pieds quatre pouces (2,73 m) surmontées d’une corniche en voussure de quatre pouces (0,10 m). La boiserie basse y monte à deux pieds cinq pouces seulement (0,78 m) et la cheminée à environ trois pieds quatre pouces (1,07 m) Pour pallier le manque de hauteur on multiplie le nombre des lignes montantes en augmentant le nombre des panneaux verticaux étroits, le décor sculpté de la corniche vient mordre sur le plafond où l’on ne met pas de rosace centrale.
La largeur des panneaux mis en oeuvre est limitée par les assemblages à cause des variations dimensionnelles dues aux variations hygrométrique qui se risque de se voir au niveau des embrèvements (à trois pieds de largeur comme le conseille Roubot).
On conçoit que dans des pièces ainsi parées de boiseries, ornées de sculptures et de miroirs, il y ait peu de place pour les très grands tableaux de peinture. Ceux-ci sont parfois enchâssés dans la boiserie et ne prennent vraiment leur sens qu’intégrés dans le décor entier comme à la petite galerie des chasses exotiques à Versailles (détruite, les toiles étant au musée d’Amiens). Ils sont aussi placés au-dessus des portes. On dispose aussi des tableaux en partie haute des trumeaux des glaces, ce qui provoque la critique d’un anonyme en 1753 du « goût barbare qui a banni les tableaux des appartements pour leur substitution par d’insipides glaces qui ne permet à la peinture tout au plus que d’exécuter quelques bizarrerie sur les dessus de portes » (Jugement d’un amateur sur l’exposition de tableaux).
Les variations de la mode, ont été la cause du renouvellement cyclique de la finition des boiseries dans les appartements. Ces travaux expliquent que pratiquement aucune boiserie ne nous soit parvenue dans sa finition d’origine.
Pour procéder au rajeunissement des boiseries, souvent on les enduit d’une couche de peinture, après quelque temps d’une autre, aboutissant à un empâtement des reliefs; Puis à d’autres périodes, on procède à un décapage général, par application d’un solvant, par un décollement à la flamme ou par un grattage à vif, pour dégorger les ornements sculptés, révélant ainsi le bois dans sa couleur naturelle.
Quoi qu’il en soit, le dix-huitième siècle aura été l’apogée du savoir faire des ébénistes – menuisiers d’art en ce qui concerne les boiseries (entre autres).
Jamais aucune autre époque n’a su créer des rythmes ni des rapports de proportions aussi agréables malgré tout ce qui a pu être découvert depuis cette période.
(1) 1 pouce français = 27,0696 mm